Trois textes à lire ou à apprendre. A faire apprendre plus tard à vos élèves. Faites travailler votre mémoire et celle des plus jeunes.
Le thème du jour : d’un lieu en France et d’un grand auteur français.
« Quand je suis 20 ou 30 mois sans retourner en Vendômois … »
De Pierre de Ronsard 16 ème siècle (né au château de la Possonnière en 1524-1585 meurt à Saint-Cosme)
Quand je suis vingt ou trente mois
Sans retourner en Vendômois
Plein de pensées vagabondes,
Plein d’un remords et d’un souci,
Aux rochers, je me plains ainsi,
Aux bois, aux antres, et aux ondes :
« Rochers, bien que soyez âgés
De trois mille ans, vous ne changez
Jamais ni d’état ni de forme :
Mais toujours ma jeunesse fuit,
Et la vieillesse qui me suit
De jeune en vieillard me transforme.
« Bois, bien que perdiez tous les ans
En hiver vos cheveux mouvants
L’an d’après qui se renouvelle
Renouvelle aussi votre chef :
Mais le mien ne peut derechef
Ravoir sa perruque nouvelle.
« Antres, je me suis vu chez vous
Avoir jadis verts les genoux,
Le corps habile, et la main bonne :
Mais ores j’ai le corps plus dur
Et les genoux, que n’est le mur
Qui froidement vous environne.
« Ondes, sans fin vous promenez,
Et vous menez et ramenez
Vos flots d’un cours qui ne séjourne
Et moi sans faire long séjour
Je m’en vais de nuit et de jour
Au lieu d’où plus on ne retourne. »
Si est-ce que je ne voudrois
Avoir été ni roc ni bois
Antre, ni onde, pour défendre
Mon corps contre l’âge emplumé,
Car ainsi dur je n’eusse aimé
Toi qui m’as fait vieillir Cassandre.
Odes, IV,10
Les enfants : leurs bêtises à St Malo sur la plage du Sillon : de François-René de Chateaubriand (1768-1848) enterré à la pointe du Grand-Bé, face à la mer devant Saint Malo où il passa son enfance .
Nous étions un dimanche sur la grève, à l’éventail de la porte Saint –Thomas à l’heure de la marée. Au pied du château et le long du Sillon, de gros pieux enfoncés dans le sable protègent les murs contre la houle. Nous grimpions ordinairement au haut de ces pieux pour voir passer au-dessous de nous les premières ondulations du flux. Les places étaient prises comme de coutume ; plusieurs petites filles se mêlaient aux petits garçons. J’étais le plus en pointe vers la mer, n’ayant devant moi qu’une jolie mignonne Hervine Magon, qui riait de plaisir et pleurait de peur. Gesril se trouvait à l’autre bout du côté de la terre. Le flot arrivait, il faisait du vent ; déjà les bonnes et les domestiques criaient : « Descendez, Mademoiselle ! descendez , Monsieur ! » Gesril attend une grosse lame : lorsqu’elle s’engouffre entre les pilotis, il pousse l’enfant assis auprès de lui ; celui-là se renverse sur un autre ; celui-ci sur un autre : toute la file s’abat comme des moines de cartes, mais chacun est retenu par son voisin ; il n’y eut que la petite fille de l’extrémité de la ligne sur laquelle je chavirai qui, n’étant appuyée par personne, tomba. Le jusant l’entraîne ; aussitôt mille cris, toutes les bonnes retroussant leurs robes et tripotant dans la mer, chacune saisissant son magot et lui donnant une tape. Hervine fut repêchée ; mais elle déclara que François l’avait jetée bas. Les bonnes fondent sur moi ; je leur échappe ; je cours me barricader dans la cave de la maison : l’armée femelle me pourchasse. Ma mère et mon père étaient heureusement sortis . La Villeneuve défend vaillamment la porte et soufflette l’avant-garde ennemie. Le véritable auteur du mal, Gesril , me prête secours, il monte chez lui, et avec ses deux sœurs jette par les fenêtres des potées d’eau et des pommes cuites aux assaillantes. Elles levèrent le siège à l’entrée de la nuit mais cette nouvelle se répandit dans la ville, et le chevalier de Chateaubriand, âgé de neuf ans, passa pour un homme atroce un reste de ces pirates dont saint Aaron avait purgé son rocher.
Livre premier, chap. 5
De François-René de Chateaubriand : les Mémoires d’Outre-Tombe. 1826
Alphonse de Lamartine né à Mâcon en 1790 – 1869 enterré à Saint-Point)
Sa famille refuse les funérailles nationales.
Le Lac
Les Méditations 1820
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour ?
O lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! Je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir !
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir t’en souvient-il ? Nous voguions en silence !
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
Laissa tomber ces mots :
« O temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,
Suspendez votre cours !
Laissez nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
« Assez de malheureux ici-bas vous implorent
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.
« Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : « Sois plus lente », et l’aurore
Va dissiper la nuit ;
« Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule , et nous passons ! »
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,
Où l’amour à long flots nous verse le bonheur,
S’envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?
Hé quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ? quoi ! tout entiers perdus ?
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus ?
Eternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez -vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?
O lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés !
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé
Que tout ce qu’on entend, l’on voit où l’on respire,
Tout dise : « Ils ont aimé ! »
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